03/09/2013
Le rituel des offrandes à la Pachamama
La fumée des cigarettes et celle de l'encens éloignent les mauvais esprits
J'ai eu la chance (et le privilège), lors de mon séjour dans le nord-ouest argentin, d'être invité à une "Pachamama".
Cette célébration, portée par les communautés Quechuas et Aymaras et héritée de leurs ancêtres d'avant la colonisation, est toujours très vivace dans toute la Cordillère des Andes, de l’Équateur au nord de l'Argentine et du Chili, en passant bien évidemment par le Pérou et la Bolivie.
En Argentine, elle est surtout présente dans la région Jujuy .
Si la date officielle de cette fête (que l'on appelle aussi Challa, Ch'alla, Challaco ou Pago) est fixée au 01 août, elle se déroule dans les faits tout au long du mois (et même parfois une fois par mois tout au long de l'année dans certaines régions !). Chaque cérémonie peut-être initiée par une famille, une communauté, un village, une institution, ou tout simplement un groupe d'amis : on peut, par exemple, participer à une ou plusieurs fêtes puis rendre l'invitation en la réalisant chez soi à son tour.
La Pachamama est la déesse-terre ; déité majeure et incontournable de la cosmogonie andine. Elle est essentiellement associée à la fertilité et à la protection, un peu comme la Gaïa des Grecs. Elle est considérée comme l'être vivant à la base de tout : de l'homme, du monde animal, végétal ou bien minéral. A partir du 16ème siècle et de l'arrivée du christianisme, le culte de la Pachamama est très vite associé, par syncrétisme, à celui de la Vierge Marie.
La cérémonie consiste donc à la fois à remercier la Pachamama pour les bienfaits de l'année écoulée, mais aussi à s'allier ses bonnes grâce pour la nouvelle année qui commence (le mois d'août marque en effet de ce côté du globe la fin de l'hiver) ; en espérant en premier lieu suffisamment de pluie, ainsi que de bonnes récoltes futures...
Elle implique également, outre la générosité, un acte de réciprocité. C'est ainsi qu'après le rituel d'offrandes à la Pachamama, c'est au tour des hommes de profiter de ses bienfaits et de partager entre eux un bon repas... bien arrosé !
Chaque région, chaque famille adapte le rituel à sa façon et les "offrandes" sont à la discrétion du "maître de cérémonie", ou de l'hôtesse, dans notre cas.
Encens et laine de lama
(Tilcara, août 2013)
Au premier plan, les feuilles de coca qui sont, dans la région, loin d'être réservées à l'usage exclusif de la Pachamama !
Papas andines, empanadas, fromage et eau bénite !
Un large trou est creusé dans la terre à un endroit symbolique, par exemple sous un arbre centenaire, ou bien à un point haut (généralement au même emplacement que l'année précédente). Ce trou, que l'on désigne par le terme de "boca" (la bouche) est en quelque sorte, tout aussi symboliquement, le chemin qui mène au centre de la terre.
Après avoir purifié l'air à l'aide de fumée pour éloigner les mauvais esprits (on se sert d'encens et de cigarettes, allumées et plantées dans le sol), les participants vont chacun à leur tour (en général par petit groupe de deux ou trois, amis, couple, famille), s'agenouiller au bord du trou puis, les mains jointes, y verser "religieusement" les "nourritures terrestres" que leur passe l'officiant.
Dans notre cas le menu était plutôt complet : Des empanadas, du ragoût de viande, du fromage, des légumes et des fruits, des graines de quinoa et bien entendu beaucoup de feuilles de coca ! Côté boisson, la Pachamama était aussi à la fête : du vin blanc et du vin rouge, de la bière et de l'alcool presque pur. Ce jour là il y avait même une fiole d'eau bénite en provenance directe de Lourdes !
Il est possible de faire des vœux au cours de ce repas offert à la Pachamama, ou bien de déposer au fond du trou de petits de cartons colorés symbolisant chacun une demande de promesse pour l'avenir.
Une fois que tout les participants ont fait leurs "offrandes", toute la nourriture et les boissons restantes sont alors déposées dans la "boca" : on ne garde en effet rien pour soi, tout ce qui a été préparé pour la Pachamama se doit de lui revenir !
Le trou est rebouché, puis recouvert de tous les récipients à présent vides.
Place alors à la fête : on sort les cotillons (principalement des serpentins et des confettis, vendus dans de petits sachets pour l'occasion) et l'on chante une ou deux chansons traditionnelles avant de se diriger vers la grande tablée, afin d'y déguster les plats apportées par tous les convives...
(Tilcara, août 2013)
La "boca"
On place de petites figurines en guise de vœux
On rebouche le trou...
La "boca" est recouverte de tous les plats vides
Confettis et serpentins
Une mini mini vidéo du chant qui clos généralement la cérémonie
Place à la fête... des humains !
01:35 Publié dans Culture et tradition, Le nord-ouest argentin (NOA), Périples argentins, Voyages | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Hasard, coïncidence ...
Votre présent article, regard extrêmement intéressant sur un rituel bien actuel, ne peut que me faire penser à certaines pratiques de l'Égypte antique au moment de la fête du Nouvel An, vers le 19 juillet.
Me permettez-vous d'en importer un très court extrait - en vous citant, bien sûr -, en guise d'exergue à mon intervention du 10 septembre prochain ?
Écrit par : Richard LEJEUNE | 05/09/2013
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