Un nouveau monument à la mémoire de Juana Azurduy
29/07/2015
Juana Azurduy Bernùdez de Padilla, Plaza Colón, juillet 2015
Le 15 juillet dernier, la Présidente Kirchner, accompagnée d'Evo Morales, inaugurait dans les jardins de la Plaza Colón une nouvelle et imposante sculpture à la mémoire de Juana Azurduy Bernùdez. La présence du Chef d’état bolivien s'expliquait aisément : d'une part parce que Juana était Bolivienne et que, plus encore, c'est le gouvernement de Morales qui a offert ce monument à l'Argentine (on parle d'un coût d'un million de dollars!).
Cette inauguration est l'aboutissement d'une querelle juridique qui opposait depuis quelques années le Gouvernement de la Nation et celui de la ville de Buenos Aires. En effet, les jardins de la Plaza Colón, autrefois ouvert au public sont aujourd'hui "privatisé" par la présidence pour des raisons de sécurité. Ils appartiennent toutefois toujours à la "ville". (pour ceux qui ne le sauraient pas encore, l'Argentine est une républiques fédérale de 23 provinces ; la ville de Buenos Aires est l'une de ces provinces).
Cristina, faisant fi du droit (ce pour quoi elle a maintenant un peu d'expérience) avait dès 2012 unilatéralement décidé de la venue de sa nouvelle protégée, Juana, mais surtout décrété le démontage (en juin 2013) de celle de Christophe Colomb qui se dressait là depuis 1921, et qui avait été offerte par un riche immigré italien.
S'étant mis à dos la ville et accessoirement la communauté italienne, elle a pourtant fini par emporter le morceau. Seule la destination de la statue répudiée a entre temps changé : de La Plata, ou elle devait être à l'origine remontée, il semble que sa nouvelle adresse sera à présent quelque part sur la Costanera Sur, pas loin de l'aéroport Jorge Newberry de Buenos Aires, si tant est qu'elle soit remontée...
Tout cette histoire concourt de la volonté de la Présidence de réécrire une nouvelle histoire en éloignant "physiquement" de la Casa Rosada un symbole trop évident d'une colonisation "sanglante" et dominée par l'Europe, afin d'y préfèrer une figure sans conteste plus "patriotique", et de plus à "moitié indigène" !
Quoi que l'on puisse penser de cette affaire à laquelle la téméraire Azurduy n'a vraiment rien à voir, il est clair que ce personnage historique retrouve enfin à cette occasion une place de choix dans l'Histoire de la libération des pays du cône sud, soumis à la mainmise de la couronne espagnole pendant plus de 300 ans.
Ce Monument à Colón , qui trônait depuis sur cette place depuis 90 ans était plutôt réussi. Il avait fallut pas moins de dix ans de travail aux ouvriers pour remonter les 623 tonnes de marbre de Carrare qui avait été préalablement assemblés en Italie et apportés jusqu'ici. La statue du navigateur génois se dressait à 26 mètres au-dessus du sol, posée sur un obélisque tronqué réalisé dans un seul bloc!
La légende raconte que Simon Bolivar aurait dit un jour à Juana que son pays ne devrait pas s'appeler Bolivia (nommé d'après son nom), mais plutôt Padilla ou Azurduy, car ce sont eux qui l'avaient libéré.
Élevée à la campagne et un brin rebelle, Juana (né à Sucre d'un père espagnol et d'une mère indienne) devient orpheline à l'âge de 7 ans. Une tante l'envoie dans un monastère pour la remettre sur le droit chemin, en vain. A 18 ans, elle retrouve la liberté et les grands espaces, apprend le quechua et l'aymara et prend fait et cause pour les indiens ; c'est également l'époque où elle rencontre Manuel Padilla, avec qui elle se marie en 1805. Ce dernier fait déjà partie de ses groupuscules qui, influencés par la Révolution française, planifie la révolution de ce côté-ci de l'Atlantique.
S'ensuivirent des années de guerre où Juana et ses quatre enfants suivront Manuel sur les champs de bataille. Elle combattra, arme au poing, aux côtés de Guëmes et du Général Belgrano. Durant ces longues années de combat, elle perdra tous ces enfants ainsi que son mari. En 1816, elle est élevé au grade de Lieutenant Colonel...
La suite est moins glorieuse. La pension que Bolivar lui avait octroyée lui est retirée, et les terres des Padilla restent toujours confisquées. Elle meurt indigente en 1862, à l'âge de 82 ans, et sera enseveli dans une fosse commune.
On peut facilement concevoir les raisons politique qui ont destitué Colón de sa colonne pour faire place à une patriote des guerres de libération, mais je trouve personnellement qu'on a poussé un peu loin le bouchon en plaçant Juana, sabre au clair, face à la Casa Rosada.
Même si je comprend (un peu) le souhait de la Présidente (et/ou de l'artiste ?) de vouloir "que Juana fasse face aux dirigeants du pays (qui la regarde par la fenêtre?) au moment où ils décident des destinées de la Nation", elle aurait été, à mon avis plus à son avantage tournée vers la mer : en effet, comme le parc où elle est installée n'est pas ouvert au public, on ne voit Juana que de loin et de plus (assez mal) de profit.
Quant à la vision de l'arrière du monument (celle donc que verra surtout le public), cela donne plutôt un "pâté" difficilement déchiffrable et plutôt inintéressant.
Enfin, sans jouer les "vieux cons", Le monument à Colón, d'une grande élégance, mettait en valeur la façade arrière de la Casa Rosada, alors que le le nouveau groupe en bronze et son piédestal massif l'écrase à présent totalement....
On doit cette sculpture, qui pèse 25 tonnes, au porteño Andrès Zerneri.
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