Yavi et le Marquisat de la Vallée de Tojo
22/09/2013
(Yavi, août 2013)
L’église San Francisco, consacrée en 1680 fut terminée en 1690 ; elle n'a pratiquement pas changée depuis. Elle a la particularité de posséder plusieurs retables magnifiques : deux dans la nef principale et un troisième dans la chapelle des Âmes (réservée aux rites funéraires de la famille marquisale), tous bien sûr abondamment recouverts de feuilles d'or. Certains éléments de cette riche décoration furent apportés directement depuis le Pérou.
Autre particularité de l'église, ses fenêtres, dont les carreaux sont constitués de fines plaques d’onyx...
On trouve enfin quelques tableaux de l'école cusqueña, dont certains de la main de Matías Pizarro, le peintre "officiel" du Marquis.
(Yavi, août 2013)
On a un peu de mal à imaginer que Yavi (prononcer "chavi"), petit village presque endormi à quinze kilomètres de La Quiaca, fut à l'aube du 17ème siècle une bourgade puissante et prospère .
Yavi comptait à cette époque près de 3000 habitants, alors qu'à Jujuy (capitale de la province, forte aujourd'hui de 240 000 âmes), ils étaient à peine 2000 !
La population de Yavi se répartissait alors ainsi : 80% "d'indigènes", 18% de créoles et métis, et à peine 2% d'espagnols !
Au 18ème siècle, quand la Vice-royauté du Pérou, qui contrôlait difficilement l'ensemble du continent sud-américain, fut scindée en trois entités, le Marquisat de la Valle de Tojo se retrouva dans l'escarcelle de l'éphémère Vice-royaume du Rio de La Plata, créé en 1776.
Éphémère en effet, car il suffit d'à peine quarante ans et d'âpres guerres menées contre la couronne espagnole pour que le Paraguay, l'Argentine, le Chili et à la Bolivie obtiennent (entre 1810 et 1820) leur indépendance !
Au même moment l'Uruguay gagnait aussi la sienne contre le Brésil, possession portugaise...
L'hacienda du Marquis de Yavi, contiguë à l'église, est formée d'un quadrilatère d'environ quarante mètres de côté, dont toutes les pièces donnent sur la cour pavée centrale.
L'hacienda abrite un petit musée historique ainsi qu'une bibliothèque destinée aux villageois.
L’Espagne conféra le titre de Marquis de la Valle de Tojo à Juan José Fernandez Campero y Herrera en 1708. Ce sera le seul et unique marquisat créé sur les terres de la future Argentine !
Il s'étendait de Potosi (en actuelle Bolivie) à San Antonio de Los Cobres, 500km plus au sud. Cet immense territoire était le passage obligé de toutes les marchandises (mais avant tout l'or et l'argent) qui circulaient, via le "Camino Real", du Haut-Pérou jusqu'au Rio de la Plata.
Yavi, résidence principale du Marquis, devint le centre de ce petit empire durant une centaine d'années.
Le quatrième (et avant dernier) Marquis de Yavi, Juan José Campero, choisit de combattre aux côtés des forces indépendantistes ; il fut malheureusement arrêté par les forces royalistes et déporté en Espagne, au moment même ou l'Argentine obtenait enfin son indépendance.
C'en était finit du glorieux marquisat...
(Les restes de Juan José Campero, mort en exil à Kingston (Jamaïque) en 1820, ont été rapatriés en Argentine en 2010 et reposent aujourd'hui dans la Cathédrale de San Salvador de Jujuy).
Il ne reste maintenant de ce prestigieux passé que quelques larges avenues pavées, une remarquable église et la noble hacienda qui accueille un modeste musée historique ainsi que la bibliothèque du village...
De nombreux ânes dans la Puna vivent à l'état sauvage...
On trouve entre La Quiaca et Yavi la petite chaîne montagneuse dite des "Sept (ou huit !) Frères".
C'est au pied de cette formation rocheuse (à environ 8km du village) et aux abords de la Laguna Colorada, qu'il est possible d'admirer quelques pétroglyphes (ces derniers sont d'ailleurs assez nombreux dans la région, que ce soit à Yavi Chico ou vers Tres Cruces).
(Yavi, août 2013)
Le site est absolument désert, mais même sans guide, il n'est pas très difficile de retrouver les pétroglyphes : la plupart sont cernés par de petits murs en pierre.
J'ai recherché sur le Net quelques infos quant à l'origine et la datation de ces pétroglyphes, sans rien trouver de vraiment convaincant, si ce n'est qu'ils sont évidemment antérieurs à l'arrivée des premiers européens...
Je n'ai rencontré ce jour là à Yavi qu'un seul couple de touristes (argentins), et absolument personne autour des pétroglyphes.
On est bien loin, ici, du tourisme de masse :)
(Yavi, août 2013)
2 commentaires
Bonjour Patrick.
La richesse intérieure de cette église que montrent tes premières photos ci-dessus est-elle bien "acceptée" par la population des environs qui, c'est le moins que l'on puisse dire au vu de l'un ou l'autre de tes précédents reportages, ne "roule pas sur l'or" ...
Point de concupiscence ?
Point de déprédations ?
Le fait religieux l'emporte-t-il sur le fait économique et social ?
Richard,
Je ne m'étais pas même posé la question ?
Bien sûr que le fait religieux l'emporte, il suffit de voir la ferveur à Casibindo dans un article précédent !
Et comme je l'expliquait aussi, le syncrétisme à fait que les "indigènes" ont vite reportés leur foi et leurs croyances ancestrales sur ces nouvelles icônes qu'apportaient les colonisateurs.
De plus, dans chacun de ses villages en adobe et en paille, seules les églises gardent depuis 2 ou 3 siècles l'unique part du passé commun des habitants et de leur histoire...
Enfin, il n'y a plus depuis longtemps de richesses telles que des calices en or couvert de pierres précieuse et autre croix en argent massif ! Seulement des retables pesant plusieurs centaines de kilo, et donc difficilement escamotable :)
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